8 mars, et ça repart !

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Ce texte est un billet d’humeur rédigé par une lectrice de Repeindre. Il contient des mentions de viol, de violences sexistes, médicales, policières.

Nous sommes le 8 mars 2020, journée internationale des droits des femmes (pas « la journée de la femme ») et lendemain de nombreuses marches féministes qui ont eu lieu un peu partout en France. Bien entendu, les marches féministes ont été synonymes de violences policières, comme n’importe quel mouvement contestant l’ordre établi. Cette journée intervient au lendemain des révélations de Médiapart concernant les pratiques illégales du préfet Lallement (préfet de Paris). Avant d’aller plus loin, regardons en arrière. Vers 1876 naît en France le mouvement qui sera ensuite appelé Les Suffragettes, réclamant le droit de vote pour les femmes. Il faudra attendre 1945 pour que celles-ci puissent, pour la première fois, voter. Voter, droit créé par les mecs cis blancs à destination des mecs cis blancs en 1848.

Depuis hier soir pleuvent sur les médias sociaux des images de femmes manifestant contre les violences faites aux femmes à coté d’images de femmes se faisant matraquer, traîner, gazer, nasser par les forces de l’ordre. Parmi les commentaires de rage, de souffrance et d’indignation fleurissent des messages pour le moins gerbants rédigés avec fierté par des mecs cis blancs heureux de déverser leur fiel au moins sexiste. Il est à noter qu’aucune des manifestations de LMPT n’a, à ce jour, eu droit à pareil traitement que ce soit de la part des forces de l’ordre comme de la part des gerbotrons.

L’injonction à la dépendance

Je participe régulièrement à des événements souvent privés en mixité choisie ou en non mixité. Je ne compte plus le nombre de fois où des mecs ont eu l’impression qu’il était primordial de me faire part de leurs opinions qui, si je les résume et les factorise donne ceci : la non-mixité sans mecs cis, c’est sexiste, brutal et excluant pour nous. Pauvre petit mec tout fragile ! J’aime à leur rappeler que la non-mixité est avant tout l’invention des hommes qui ont exclu et excluent encore les « non-mecs » de certains corps de métiers, des partis politiques, des conseils d’administration, des clubs sportifs, des bars, de la vie politique, des postes à responsabilité et j’en passe. Vous les mecs en excluant les femmes de vos petites affaires avez créé la non-mixité entre mecs mais aussi celle entre meufs. D’ailleurs, ayant grandi à la campagne, n’y dit-on pas « Les femmes aux fourneaux, les hommes au bistrot » ? S’il est utile de le rappeler à nouveau, la non-mixité entre mecs cis blancs est la norme sociale chez nous en France. Cette non-mixité ne se questionne pas, elle est incontestable, universelle et inaliénable : dans votre grande mansuétude, les femmes n’ont que les places que vous voulez bien leur laisser. Donc on a bien saisi le message, si nous souhaitons nous réunir sans vous, nous devons d’abord en obtenir votre consentement.

Je ne peux m’empêcher de voir ici, 230 ans plus tard, la perpétuation de la servitude des femmes exposée par Sieyés dans sa brochure de 1789 intitulée « Qu’est-ce que le Tiers-État ? » :

Il ne peut y avoir, dans aucun genre, une liberté ou un droit sans limites. Dans tous les pays, la Loi a fixé des caractères certains, sans lesquels on ne peut être ni électeur ni éligible. Ainsi, par exemple, la Loi détermine un âge au-dessous duquel on sera inhabile à représenter ses Concitoyens. Ainsi les femmes sont partout, bien ou mal, éloignées de ces sortes de procurations. Il est constant qu’un vagabond, un mendiant, ne peuvent être chargés de la confiance politique des Peuples. Un domestique, et tout ce qui est dans la dépendance d’un maître, un étranger non-naturalisé, seroient-ils admis à figurer parmi les Représentans de la Nation ? La liberté politique a donc ses limites comme la liberté civile.

Les femmes sont encore aujourd’hui considérées comme des citoyennes passives, des bonniches. Peut-être pensez-vous que mes illustrations sont désuètes ? Si c’est le cas, allez lire les témoignages de personnes souhaitant subir une ligature des trompes ou de celles ayant subi « le point du mari » (acte de torture consistant après une épisiotomie à suturer plus que de raison afin de diminuer le diamètre de l’entrée du vagin). Les personnes ne souhaitant pas ou plus porter d’enfants et désireuses de subir une ligature des trompes se retrouvent très fréquemment à devoir délivrer au chirurgien une attestation psychiatrique voire une attestation du mari stipulant son accord pour que sa propriété soit rendue stérile par acte de chirurgie. Ces deux exemples, parmi beaucoup trop d’autres, démontrent à quel point notre société considère les femmes comme les simples possessions des hommes. Vous accusez les femmes d’avoir recours à des avortements de confort ? Je vous souhaite une petite castration de détente vu que ça a l’air si joyeux ! Dois-je également parler du viol, ce rapport de pouvoir et de domination que vous vous obstinez à prendre pour du « sexe » ? Quand je vois les résultats de la dernière enquête sur le consentement menée par le collectif Nous toutes, je ne suis même plus surprise. Nos corps vous appartiennent, définitivement.

Mais au fond, qui suis-je pour donner des leçons ? Si vous ne supportez pas de voir des femmes se réunir sans vous, si vous ne supportez pas de les voir se lever lorsqu’on récompense des violeurs, si vous ne supportez pas de lire des meufs féministes, allez donc lire Dupuis-Déri, c’est l’un des vôtres, c’est un mec cis blanc.

L’inclusion

Ce matin, on m’a encore une fois demandé de participer à l’assemblée générale d’une association afin d’expliquer, de prouver que l’inclusion est une valeur positive qui enrichit tout le monde et permet d’avancer. Dans les milieux militants dits « de gauche » prônant la défense des libertés individuelles on trouve bon nombre de porcs qui nous expliquent encore que l’écriture inclusive (qui ne se limite pas au point médian) est une ineptie, une aberration voire « un viol de la langue française » (sic). À vous, j’ai d’abord envie de vous dire d’aller gentiment vous faire cuire le cul.

Je ne vais pas revenir sur #metoo et toutes les affaires puantes que ce mouvement a permis de mettre en lumière. Je vais simplement revenir sur cette phrase « Il faut séparer l’homme de l’artiste. » reprise à tort et à travers par beaucoup trop de personnes, très souvent des mecs. Cette phrase magique aurait le pouvoir de faire disparaître n’importe quel comportement dégueulasse d’une personne en arguant la grandeur quasi divine de la contribution de celle-ci. Bien-sûr, je pense ici à Violansky mais aussi à RMS. RMS grand gourou du logiciel libre adulé par la vaste communauté libriste qui n’a jamais hésité à prendre la défense de ses potes pédos, violeurs, racistes, sexistes, transphobes et j’en passe. Cette phrase à double sens est volontaire.

Alors vous, petites entités, communautés affirmant lutter contre les dimensions oppressives et inégalitaires de ce monde, pourquoi laissez-vous encore dans vos rangs des personnes qui, de par leur aura, peuvent se permettre les pires dégueulasseries sans que jamais il n’y ait de volonté collective de les foutre dehors ? Pourquoi vous planquez-vous encore et toujours derrière des arguments du genre « c’est notre principal contributeur » ou « c’est le fondateur » ou… ou… ou… Pourquoi continuez-vous de ralentir et de moquer le travail des personnes qui œuvrent dans le sens de l’inclusion ? On vous a prévenu. On a même essayé de travailler avec vous. Vous vous êtes bien foutus de notre gueule. Et aujourd’hui, vous venez chouiner ? Ça tombe bien, pour un 8 mars, non ? Des collectifs qui travaillent sur la question, il en existe. Des personnes prêtes à suivre ce mouvement vers une ouverture de nos milieux, il y en a plein. Il y en a même qui participent à ce site. Je vous recommande de lire les autres articles et traductions publiées ici, c’est en français, accessible et sans trackers. Et au moins, vous ne viendrez pas nous faire chier avec vos arguments pourris « Hors de question que je lise ça, y a du Google Analytics. ». Vous les libristes qui défendez la liberté des logiciels mais jamais n’acceptez de questionner si vos actes et valeurs émancipent les personnes. Vous les collectifs technophiles qui ne jurez que par l’élitisme technique et refusez de remettre en question vos comportements merdiques. Ne vous étonnez pas que de plus en plus de monde fuit vos événements, vos collectifs et ne vous soutient plus. Ouvrez les fenêtres, faites le ménage dans vos rangs, sortez les poubelles et tirez la chasse.